Autor: Rares Burlacu, Lector Quebec ENAP, Cercetator asociat ISEE
Les puissances européennes développent une méfiance accrue pour traiter avec la Russie dans les affaires internationales.
On ne peut pas se pencher sur la décision du président Poutine de se reconduire au pouvoir (ce serait un peu trop de parler d’élection qui respecte le standard normatif de la démocratie dans ce cas) sans se rappeler les mots de l’historien Karamazin qui nous partagé ces propos sur la monarchie en Russie au milieu du XIXe siècle :
« Le souverain c’est la loi vivante! Il favorise la distribution des biens et punit les méchants. Un grand cœur pour le monarque c’est acceptable comme vertu juste quand il est tempéré avec un sens du devoir pour une sévérité plus sensible ».
L’autoritarisme, les dictatures successives, les méfaits de tout sort trouvent leur origine dans les tribus d’allégeance slave qui se sont établies vers le IXe siècle autour de la ville de Kiev.
Il ne faut pas donc appliquer le même type d’analyse d’ici pour examiner ni l’état de la démocratie, ni les aspects sociaux en Russie, puisque tous ces traits de caractère –qui sont valables de nos jours- sont un construit exclusif, sui generis. Les groupes qui exerçaient le pouvoir étaient divisés dans des factions qui se légitimaient auprès du peuple par la force qui émanait de leurs actions et par la violence extrême et anarchique avec laquelle ils agissaient. L’autoritarisme, les dictatures successives, les méfaits de tout sort trouvent leur origine dans les tribus d’allégeance slave qui se sont établies vers le IXe siècle autour de la ville de Kiev (aujourd’hui la capitale de l’Ukraine). Il n’est pas anodin que le peuple, dans ces conditions, soit soumis à la volonté des élites du pouvoir sans disposer des moyens pour contrôler les politiciens au sommet ou choisir la classe dirigeante à la suite d’un scrutin.
Grâce à cela, la nation russe a développé au fil de temps des qualités qui lui confère des avantages inouïs et la distingue par rapport aux autres peuples de la région et du monde : la résilience et la dépendance d’expansion par des conquêtes territoriales. Cette ambivalence donne à la Russie un sens d’unicité, de complexité et d’envergure qu’il est difficile à comprendre sans s’attarder sur son parcours évolutif.
Son unicité réside dans le fait que, pendant des siècles, elle était capable de résister à toute tentation d’invasion qu’elle a subie. Charles XII de Suède, Napoléon ou même Hitler ont vu leur rêve de domination mondiale s’achever quand ils ont essayé de soumettre la Russie à leur volonté impérialiste. Forgés dans des batailles épiques avec les armées occidentales, les Russes ont développé un sentiment sans égal de confiance (et de fierté) en eux-mêmes. Plus loin dans l’histoire, que ce soit Pierre I le Grand, l’impératrice (très européenne) Catherine II de Russie, ou plus proche de nous Alexandre 1er, l’empereur des Russes à l’époque de Napoléon, Staline, l’ennemi juré d’Hitler ou Poutine, grand adversaire de tout le monde occidental (ou presque), la politique se fait par des élites (la noblesse) et pour des privilégiés (les oligarques de nos jours) avec substance, intelligence et détermination. Ces habiletés sont la base d’une doctrine qui permet la Russie d’hier et d’aujourd’hui à être, simultanément et au besoin, sur des positions défensives (en cas d’attaque étrangère) et offensives (pour préserver l’ordre à ces frontières en mutation continue). En passant, ce volet offensif la différencie de la Chine, dont les ambitions étrangères étaient dépourvues d’aplomb et d’intérêt (nous revenons plus tard).
Questionné sur la politique étrangère de la Russie au milieu du XVIIe siècle, son ministre des affaires étrangères, Nashchokin déclarait que la réponse est très simple : «élargir l’état dans toutes les directions possible». Sous la dynastie de Romanov, fondé au début des années 1600, le pays a connu une expansion sans arrêt et sans équivalent dans le monde: l’Asie Centrale, la zone du Caucase, dans les Balkans, l’Europe de l’Est, vers le nord de sa région dans la zone du Mer Baltique, vers l’Océan Pacifique, à la limite du Japon et de la Chine, Alaska et vers les coins de Californie!
Si nous ajoutons à cela l’influence étalée, plus tard, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique du Sud, nous avons le portrait d’une domination extraterritoriale, qui en termes géographiques, nous disent les historiens, se mesure par la conquête des espaces terrestre à la hauteur de 100 000 pieds carrés annuellement, pour la période comprise entre 1552 et 1917!
Mais toutes ces entreprises et expéditions se font dans une situation particulière, puisque le pays n’a jamais intégré les valeurs et les coutumes qui émergeaient au fil des siècles. La période mentionnée coïncide, dans une autre perspective, avec la période de la Renaissance, de la Réforme, de l’essor économique et industriel, de la démocratie. Lors de ces « révolutions » qui ont secoué et transformé le système politique européen et mondial d’une manière progressive et favorable aux germes de la modernité, la Russie n’a pas su comment exploiter ces nouvelles occasions apportées par ces mouvements afin de se reformer elle-même pour y perdurer avec d’autres contraintes que la violence ou la force. Par conséquent, elle était porteuse d’un système vétuste et rudimentaire, transposé partout dans un modèle qui ne résistait pas aux tendances centrifuges des populations soumises. Elle ne s’arrime jamais avec les orientations sociétales et politiques de l’Europe. Elle emprunte de l’Occident le culte pour la religion, mais se tourne vers l’orthodoxie chrétienne (qui avait son centre spirituel à Constantinople – actuellement Istanbul). Même le mot « tsar », avec toutes les nuances politiques et sociales qui y découlent, se veut une version orientale du « césarisme » propre à l’Empire romain. Le « tsar » jouissait d’un pouvoir absolu, l’entier échafaudage sur lequel il se repose est imposé sans qu’un contrepouvoir puisse le balancer.
L’inexistence d’une classe moyenne tant à l’intérieur de ses frontières que dans les pays subjugués représente son défi passé et actuel.
Dans la même veine, la politique intérieure n’offrait pas un cadre légal et prévisible, de large inspiration européenne, pour le développement ultérieur de la société. La prospérité, depuis des siècles, c’est une aspiration jamais comblée (à part les élites). L’inexistence d’une classe moyenne tant à l’intérieur de ses frontières que dans les pays subjugués représente son défi passé et actuel. Pire encore, jusqu’à récemment, depuis 1917 (au moment de la Révolution bolchevique qui culmine avec l’extermination de la famille du dernier Tsar de la dynastie Romanov) la Russie exporte une idéologie communiste, difficilement acceptable partout où elle fut imposée. L’idée s’avère fatale puisqu’elle affaiblit la sécurité de la puissance russe au lieu de la renforcer, elle appauvrit au lieu d’enrichir le pays et surtout elle contribue à diminuer encore son influence au lieu de la grandir!
En somme, peu importe les basses fondamentales du régime qu’elle propose partout où elle dicte, la Russie privilégie un collectivisme grégaire, sans aucune velléité individuelle. Les droits de la personne, l’initiative individuelle, le respect de non-ingérence dans les affaires d’un état sont des notions qui ne représentent rien pour le pouvoir politique ou administratif adopté par la région conquise. L’état de droit est une notion jamais assumée et très arbitraire pour qu’on lui accorde l’attention qu’il mérite.
Pour ces raisons, les puissances européennes développent une méfiance accrue pour traiter avec la Russie dans les affaires internationales. Le pays était peut-être respecté, toléré dans beaucoup d’occasions, mais jamais accepté comme un partenaire fiable, de confiance, avec lequel on peut chercher un compromis raisonnable pour les parties qui se trouvent à la même table de discussion. Il est vrai que dans les grands moments qui ont façonné l’histoire, la Russie occupait la place réservée aux vainqueurs, condition non négligeable pour les négociations de paix après une conflagration. Les préjugés des Européens envers la Russie, combinés avec les besoins en matière de sécurité ressurgis après 1945, créent les prémisses pour l’établissement d’un partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis pour balancer la menace russe sur le Vieux Continent.
Les préjugés des Européens envers la Russie, combinés avec les besoins en matière de sécurité ressurgis après 1945, créent les prémisses pour l’établissement d’un partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis pour balancer la menace russe sur le Vieux Continent.
Nous allons voir, dans le prochain article, quelles sont les options qui se présentent devant l’Occident pour les années à venir.
*Articolul a fost publicat initial aici.