Autor: Rares Burlacu, Lector Quebec ENAP, Cercetator asociat ISEE
Dans les paramètres internationaux actuels, l’absence d’une assurance mutuelle, conjuguée avec le manque d’une entente politique minimale avec l’Iran et la Corée du Nord, fomente les germes de l’instabilité.
Décidément, le très convoité Prix Nobel de la Paix, attribué récemment à l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN) n’a eu aucun effet sur les décisions prises par les leaders politiques quant à l’évolution ultérieure de la situation internationale. La non-certification de l’administration américaine de l’accord nucléaire avec l’Iran et les propos du diplomate nord-coréen à l’ONU selon lesquels une guerre nucléaire pourrait se déclencher à tout moment confirment que les enjeux entourant ce sujet sont plus complexes que jamais (ils étaient d’actualité plutôt le siècle passé).
Pourtant, tous ces faits ont un dénominateur commun, soit la tentative (exprimée d’une manière différente) de trouver des paramètres nécessaires qui circonscrivent la recherche de la paix. La force inouïe des armes nucléaires se déplace, dans une telle perspective, vers une zone subsidiaire puisqu’elles représentent, précisément depuis leur apparition, un moyen pour atteindre des objectifs en politique étrangère.
Dans l’histoire, des leaders politiques n’ont pas hésité à payer ce prix élevé pour les peuples qu’ils dirigeaient si une grande mise était à remporter.
Il est vrai que leur possession accorde, aux puissances qui les détiennent, la possibilité d’infliger des pertes inadmissibles en termes de vies humaines. Pourtant, dans l’histoire, des leaders politiques n’ont pas hésité à payer ce prix élevé pour les peuples qu’ils dirigeaient si une grande mise était à remporter. Avant de conclure la Paix de la Westphalie (1648) qui a réglé les disputes européennes – à la suite de la Guerre de Quatre-Vingt Ans (et celle de Trente Ans), la population du Saint Empire romain germanique a diminué de 30 %, sans que les armes utilisées aient, bien sûr, la force de destruction propre à un arsenal nucléaire! De nos jours, les cercles occidentaux étaient choqués d’entendre des dirigeants chinois qui véhiculaient, au besoin, un éventuel sacrifice de quelque 100 millions de leurs compatriotes en cas de conflit nucléaire. Manifestement, le coût de persévération des acquis de la Révolution chinoise de 1949 dépassait des limites impensables. Pendant la Crise des missiles de Cuba, en octobre 1962, entre les États-Unis et l’Union soviétique, les deux parties évoquaient des pertes potentielles de dizaines de millions de personnes en cas de frappes nucléaires.
Pourtant, la même difficulté se pose lorsqu’il est question d’évaluer d’où vient cet acharnement pour disposer d’armes nucléaires et la réticence évidente de les abandonner totalement (leur diminution, depuis 1990, aux États-Unis et en Russie est néanmoins un grand succès, 80 % de l’arsenal a été détruit à la suite des négociations).
La réponse réside, sans doute, dans le postulat que la sécurité des États est mieux garantie avec la possession des armes nucléaires. L’exemple le plus significatif en ce sens, nous est montré par le Japon, le seul pays qui, jusqu’à présent, a subi une attaque nucléaire : il refuse d’appuyer le nouveau Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, dont l’ébauche était réalisée par l’ICAN, l’organisation qui a reçu le Nobel! Les 122 signatures des pays de l’ONU déposées sur l’esquisse du Traité n’ont pas sensibilisé les Japonais, dont la défense face à une agression quelconque (nord-coréenne?) dépend de la protection militaire américaine. Dans les plans stratégiques des gouvernements, le recours aux armes nucléaires est encore conçu comme ultime moyen à employer avant de se rendre à l’adversaire. Dans le cas d’un conflit, aucun État parmi ceux qui font partie du « club nucléaire » n’hésitera à utiliser sa capacité respective s’il a devant lui le spectre de la défaite totale.
C’est précisément la justification pour laquelle les opérations militaires enclenchées vers un adversaire ne doivent pas lui laisser cette option de dernier recours. Tout juste à la fin de la guerre froide, les États-Unis n’ont pas montré le moindre geste d’arrogance envers l’Union soviétique qui s’écroulait sous ses propres limites, sans se servir de ses armes nucléaires comme option fatale. Et cela, nonobstant le constat exprimé par le président Poutine, quelques années plus tard, quand il admet, avec amertume, que l’effondrement fut « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ».
Le même type de jugement pourrait se calquer sur le trop débattu nombre de missiles nucléaires. Il ne constitue pas un élément déclencheur d’une guerre et encore moins un facteur de dissuasion comme laisse présager l’organisme récipiendaire du Prix Nobel. Les deux superpuissances mentionnées disposaient chacune d’un arsenal très lourd pendant la course à l’armement. Il a été réduit à plusieurs reprises, avec les traités SALT – négociation sur la limitation des armes stratégiques.
La dissuasion (vue ici comme la peur résiduelle déterminée par des conséquences ultérieures en cas de frappes nucléaires), combinée avec un certain degré de confiance entre les rivaux sur la scène internationale, a produit cette période de paix relative (au lieu de se confronter directement, on préfère que la guerre soit déroulée par les intermédiaires).
Dans les paramètres internationaux actuels, l’absence d’une assurance mutuelle, conjuguée avec le manque d’une entente politique minimale avec l’Iran et la Corée du Nord, fomente les germes de l’instabilité.
On ne saura jamais si la dissuasion nucléaire à laquelle les deux superpuissances se sont livrées était un bluff ou une question prise extrêmement au sérieux.
La politique étrangère n’a pas les attributs d’une science exacte. On ne saura jamais si la dissuasion nucléaire à laquelle les deux superpuissances se sont livrées était un bluff ou une question prise extrêmement au sérieux. Le dénouement d’une l’hostilité qui a perduré pendant cinq décennies était celui souhaité. Autrement dit, le résultat auquel on veut arriver, soit la paix, s’obtiendrait quand on bluffe d’utiliser les armes et l’interlocuteur nous croit réellement ou bien quand le danger est réel, mais il est perçu comme une tromperie.
Dans le triangle États-Unis, Iran, Corée du Nord, les États-Unis et ses alliés n’ont eu aucune réaction consistante pendant un quart siècle au programme très dangereux de nucléarisation nord-coréen. Jusqu’à récemment, l’administration américaine bluffait encore sur le sujet. À partir du moment où la non-certification de l’accord nucléaire avec l’Iran est devenu un fait réel, le bluff se transforme en menace crédible. Elle pave, très subtilement, la voie pour une intervention militaire en Corée du Nord puisqu’elle change la nature du rapport bluffe-crédibilité.
*Articolul a fost publicat initial aici.